samedi 6 décembre 2008

Perquisition musclée à Mémorial Saint-Petersbourg : le film de la journée

Le bureau du centre scientifique d’information de l'organisation de défense des droits de l'homme Mémorial à Saint-Pétersbourg a été perquisitionné jeudi.

Moscou89 publier le récit de la journée établi par une membre de l'organisation, Tatiana Morgacheva, qui se trouvait dans le bureau. Trois autres personnes étaient là, dont une jeune Allemande qui réalise un travail de recherche sur « le fonctionnement de la société civile en Russie ». Ce qu'elle a vécu ce jour-là pourra sûrement faire l'objet d'un chapitre supplémentaire.

Voici le récit de Tatiana Morgacheva, heure par heure :

12h10. Un groupe de personnes entre dans le bâtiment. Elles présentent des documents officiels et une autorisation de perquisition. Deux d'entre, masquées et munies de matraques, prennent position près de l'entrée.

12h15. L'équipe de Mémorial souhaite examiner les documents présentés. Refus. Un volontaire veut commencer à écrire, mais un des intrus lui prend la main et la tord. Les autres membres de Mémorial parviennent à le dégager. Aucune réaction de la part des officiels.

12h30 Aprés ayant fini la lecture du mandat, les officiels procèdent à la perquisition, bein que le nom de l'institution indiqué était incorrect.

Prétexte trouvé : les liens invoqués entre Mémorial et la revue Nouveau Pétersbourg, dont un numéro, paru au moment des élections, était titré « Voici le vrai candidat ».

Les deux cerbères à l'entrée repoussent sans ménagement les visiteurs et les membres de Mémorial, qui se présente. Ceux qui sont à l'intérieur sont mieux traités, mais on leur interdit de téléphoner.

12h35 Tatiana Morgacheva parvient quand même à appeler Irina Flige, le directeur de Mémorial, qui se trouve à Moscou pour une séance du conseil des membres de la société. Irina tente de conseiller Tatiana sur la conduite à tenir.

13h30 La perquisition continue. Les disques durs sont retirés des ordinateurs, à l'aide de canifs.

14h02 Contacté par Mémorial, l’inspecteur de police du quartier se présente. On lui demande de confirmer officiellement la perquisition. Il répond qu’il « ne confirme pas, mais ne dément pas ».

14h33 L'avocat de l'organisation arrive, mais les collaborateurs du procureur ne le laissent pas entrée.

14h50 La perquisition continue. Des documents financiers sont saisis, sans relation avec l'activité de Mémorial mais qui concernent le travail d'un collaborateur scientifique et l'organisation, Alexandre Margolis et l'organisation « le Fonds du sauvetage de Pétersbourg-Léningrad ».

Tatiana Morgacheva tente d'obtenir un inventaire des documents saisis, mais on le lui refuse. Le PV mentionne juste : « Cinq chemises de carton, un cahier et 47 pages ». Il sera difficile de le récupérer avec une liste aussi floue. Près de 900 cartes de visite d'Alexandre Margolis sont aussi confiquées (c’est Tatiana qui leur demande de les compter).

15h45. La perquisition se poursuite dans le corridor. Les collaborateurs passent en revue les papiers, sans y prêter beaucoup d'attention. Un collaborateur de Mémorial parvient enfin à examiner le mandat de perquisition et le lit par le téléphone à un collègue. Ce dernier prépare la publication de l'enregistrement sur Internet.

16h00 Les collaborateurs du procureur entrent dans la bibliothèque, mais ne la fouillent pas, ce qui surprend Tatiana Morgacheva, vu qu'ils sont censés rechercher des informations sur un journal. L'ordinateur de la bibliothèque n'est pas non plus examiné.

16h15 L'équipe de la chaîne de télévision TVC se présente, mais ne peut entrer dans les locaux.

16h30 On ouvre le cabinet du directeur et on sort le disque dur de son ordinateur. Néanmoins, les archives du Mémorial ne sont pas fouillées, ni l'ordinateur du secrétaire.

17h00 Les collaborateurs de ministère publique quittent le bâtiment. Ils expliquent que les documents et les stockages informatiques seront rendus « s'ils ne présentent pas d'intérêt pour l’instruction ».

Au final, quelles conséquences aura cette perquistion sur le fonctionnement de l'association ? Tatiana Morgacheva repond que des copies des documents saisis (qui représentent vingt ans de travail) existent à l'extérieur. Mais personne ne sait quand le matériel informatique sera rendu, s'il l'est un jour.

Le travail en cours, lui, est perdu pour le moment. Tatiana peut seulement supposer les raisons de cette perquisition:

« Peut être, qu'ils voulaient regarder de quoi nous nous occupons en ce moment. Mais tout ça complique notre travail.

On va s'occuper de déposer plainte auprès du chef du comité d'instruction de Saint-Pétersbourg, Lazarenko S. V, en exigeant que soit rendus immédiatement ce qui a été saisi, et de sanctionner les irrégularités commises au cours de la perquisition :
  • Le refus de dresser un inventaire. Ils nous ont répondu : « Nous ne le faisons pas, parce que nous n’avons jamais fait. »
  • Le refus de laisser entrer l'avocat et les dirigeants de Mémorial.

  • Les violences sur un des volontaires. »


Le bureau de Saint-Petersbourg n'est pas le seul à subir des pressions, explique Tatiana :
« Depuis un an, tous les bureaux du Mémorial du pays ont eu des problèmes. L'antenne de Kotlase a été fermée et il y a eu aussi des attaques de hackers sur le site de organisation. »


Dans un communiqué, Mémorial demande « le retour immédiat des documents retirés, qui n'ont pas et ne peuvent pas avoir de liens avec des publications « extrémistes ». Et prévient le ministère public de Saint-Pétersbourg que ces documents ont une grande valeur scientifique et qu'il porte « la responsabilité complète de leur intégrité »
.
Sur les disques retirés, il y a des données sur les dizaines de milliers des victimes des répressions de Staline, recueillis par Mémorial depuis vingt ans et des documents uniques sur la terreur soviétique.

Anastasia Valeeva

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