mardi 9 décembre 2008

Malmené par Loukachenko, le rock alternatif biélorusse se réfugie à Moscou


Une foule de jeunes dans la salle sombre du club Ikra. Une jeune fille avec un piercing sur le nez dit à une autre, habillée en cuir. « Tiens, c’est le groupe Gourzouf, je les adore. Regarde comment Egor joue de l’accordéon. »

Près de moi dansent des amoureux, en n’oubliant pas de jeter un coup d’oeil sur la scène ou jouent les groupes alternatifs biélorusses venus à Moscou pour la soirée, nommée « Mojno ».

Si les musiciens biélorusses sont bien accueillis à Moscou, c'est loin d'être le cas dans leur propre pays. « En Biélorussie, après une courte période de la liberté entre 1991 et 1994, le pouvoir est désormais digne du régime soviétique », affirme Miron Borgulev, journaliste de l’Agence des nouvelles politiques.

Un durcissement dont pâtissent les artistes, en particulier les musiciens, depuis l'arrivée au pouvoir du président actuel, Alexandre Loukachenko.

Des musiciens interdits de télévision ou de radio

Le 24 juillet 2004, jour du 10e anniversaire de la présidence de Lukachenko, une manifestation de l’opposition et un concert de musique rock et alternative est organisé. Sur ordre des autorités, la police a coupé l’électricité. Et la plupart de musiciens participants ont été forcés de renoncer à leur travail : ils ne passaient plus à la télévision ou à la radio.

Pourtant, « les groupes qui prennent part au concert de ce soir ne s’occupent pas de la politique. Il sont a priori apolitiques », dit Alexandre Вogdanov, l’un des organisateurs. Il pense que les problèmes de financement empêchent ces musiciens de faire connaître leur musique, beaucoup plus que la pression du gouvernement.

Mais à la question "Pourquoi le festival s’appelle-t-il « Mojno » (« On peut »), il répond tristement : « С’est parce que chez vous, on peut jouer cette musique , et pas chez nous, non. »

Pour Andrey, les choix du gouvernement et la façon dont il oriente l’opinion publique pose aussi problème. La plupart des Biélorusses aiment la musique pop, les chanteurs populaires envahissent la radio et la télévision.

Mais Andrey affirme que les chanteurs alternatifs ne souhaitent pas forcément la célébrité : « La musique alternative se base sur les idées. Et on ne peut pas exprimer ces idées dans les médias que nous avons. »

« Je n’ai rien contre les musiciens pop »

Le regard est agité, les mouvements nerveux : le musicien est ému avant le concert. Alexandre Liberzon joue dans deux groupes - Kassiopeya et Anonimka, il va donc se produire deux fois.

« Je ne sais pas si nous sommes populaires ou non, cette question ne nous intéresse pas », dit-il. Pour lui, le plus important, ce sont les émotions des musiciens, et non leur professionnalisme :
« Je n’ai rien contre les musiciens pop s’ils prennent du plaisir à jouer de la musique, mais je ne comprends pas pourquoi nous n’avons pas autant de possibilités qu’eux. »


« Pourquoi pleures-tu, le bras noir ? Je pleure parce que je voudrais bien aimer, mais en lieu de ça j'étouffe les gens. » Ces paroles de la chanson du groupe Kassiopeya peuvent choquer, mais on n’y voit rien contre le gouvernement actuel.

Mais peut-être se trouvera-t-il au sein du gouvernement biélorussie quelqu'un qui verra dans ce bras une allusion au président Loukachenko, et fera interdire cette chanson. A l’époque soviétique, c'était l'une des occupations préférées des fonctionnaires : chercher le sens caché dans chaque phrase...

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