dimanche 7 décembre 2008

La rue des communistes devient celle de Soljenitsyne : le Net divisé


Le 11 décembre, il aurait eu 90 ans. Et depuis la mort d'Alexandre Soljenitsyne en août 2008, les hommages à l'écrivain se multiplient en Russie. Ludmila Saraskina a été classé deuxième par le jury du prix Grand Livre pour sa biographie de l'auteur de « L'Archipel du goulag », le centre des écrivains russes à l'étranger va porter son nom, et au Manège, à Moscou, une grande exposition de photos célèbre sa mémoire.

Mais Dmitri Medvedev a voulu aller plus loin, en renommant par décret une grande artère de la capitale, Bolshaia Kommunistitcheskaia (« le boulevard du communisme ») en « rue Soljenitsyne ». Pourtant, la loi interdit de donner le nom d'une personne à une rue avant un délait de dix ans après sa mort. Le Net russe a vivement réagit.

Valery Paniushkine, journaliste reconnu, écrit ainsi dans le quotidien Vedomosti :
« L'école de ma fille se trouvait sur le Bolshaia Kommunistitcheskaia. Maintenant, elle se trouve dans la rue Alexandre Soljenitsyne. Une décision contraire à la loi, mais je n'ai rien contre.

C'est vrai que la rapidité de la décision rappelle l'époque soviétique, mais je considère que c'est une mesure juste. Chaque matin, j'accompagne ma fille à l'école et je regarde les ouvriers changent les plaques. Je vois ça comme le triomphe de la justice. »
Le photographe Youri Feklistov, dont les photos sont exposées au Manège, est d’accord avec Paniuchkine :
« C’est très symbolique. Pendant toute sa vie, Soljenitsyne a lutté contre le communisme, et c’est bien qu’on ait decidé de rebaptiser le Bolchaia Kommunistitcheskaia. »

Certains blogueurs ont été surpris en sortant du travail. Skazittel écrit ainsi :
« Hier, quand je suis rentré chez-moi, j'ai regardé par hasard le panneau de la rue Bolshaia Kommunistitcheskaia, où je travaille. Surprise ! Maintenant, c'est la rue Alexandre Soljenitsyne. »
Mais plusieurs personnes sont révoltées que le gouvernement bafoue ainsi les règles en vigueur. Meellaira Ahr compare même cette décision aux amendements récents de la Constitution russe:
« C'est aussi arbitraire que la décision de passer la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans ! »
Le blogueur Sir_satir y voit un choix qui ignore l'histoire russe: « On néglige les faits histoiriques et on reécrit l'histoire de sa propre manière. »

Tatiana Sintsova refuse elle aussi qu'une rue puisse porter le nom de Soljenitsyne :
« Ni au centre de Moscou, ni à sa périphérie, on a besoin d'une rue à son nom. A quoi bon d'offenser le peuple ? Je suis sûr que la plupart de gens ont de l'antipathie pour Soljenitsyne. »
Comme elle, certains Russes reprochent à l'écrivain d'avoir longtemps vécu à l'étranger, tout en continuer à prodiguer des conseils aux Russes. D'autres n'apprécient pas son oeuvre, jugée trop politique et pas assez littéraire.


Les communistes se révoltent aussi. Le blogueur Kommari écrit même :
« Quand nous vivions sur le Bolshaia Kommunistitcheskaia, nous espérions avoir un avenir. Désormais, nous allons vivre dans la rue Solzhenitsyne. Désormais, nous aurons toujours le passé, l'éternel, le sombre et le puant passé. »
Kosha-mikosha rappelle qu'un autre choix a été envisagé, celui d'une rue son village natal, Troitse-Likovo :
« Les experts de la Commission en ont décidé autrement : la rue est petite, et elle se trouve à la périphérie de Moscou. Aleksandre Solzhenitsyne a été une personne importante pour la culture russe, et il est normal qu’une belle rue au cœur de la ville porte son nom. »
Certains blogueurs en tout cas ne comprennent pas les critiques. Sarah Hanzharova défend la mémoire de l'écrivain :
« Soljenitsyne n’a fait rien du mal. Ecrivain, martyr, un vrai défenseur de l’etat. Tout le monde le respecte, quand mème ! »
Le blogueur Sergei Shatrovsky a une revendication plus radicale : il souhaite que le Bolshaia Kommunistitcheskaya soit renommé en l’honneur de Poutine et Medvedev !

D'autres ont des idées plus bucoliques : Ir_ingr estime que tout le monde est déjà fatigué de la politique. Et propose de choisir la rue Bleuet ou la rue Muguet.

Photos : dans l'exposition consacrée à Soljenitsyne, au Manège, à Moscou (Irina Vaague/Moscou89).
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Pour organiser sa marche, l'opposition à Poutine soigne ses démarches

Le 1er décembre, la mairie de Moscou a reçu deux demandes de manifestations : le 12, journée de la Constitution, les nationalistes sortiront dans les rues pour « La marche russe ». Et le 14, c'est l'opposition qui défilera pour « La marche des désaccords ».

Cette dernière date a été choisi en référence au 14 décembre 1825, date de la revolte des décabristes sur la place « Senatskaya », à Saint-Pétersbourg - tentative malheureuse de révolte contre le tsar Nicolas Ier, et pour la création d'une Constitution.

« La veille, nous avons passé la nuit devant la mairie, pour étre les premiers et ne pas donner aux autorités un prétexte pour nous refuser l'autorisation », raconte Alexandre Averine, porte-parole de Nazboli. Délégué permanent, Averine a l'habitude de ces démarches.
« On nous a déjà refusé l'autorisation de défiler parce que la place était déjà prise par des mouvements de jeunesse pro-Kremlin, comme « Nachi » ou « La jeune garde ». Une fois, ils ont sorti notre représentant par la force. Bien sûr, au jour dit, il ne se passe rien.»

En moyenne, les manifestations de l'opposition reunissent près de 2 000 personnes. Cette fois, les organisations attendent plus de participants, à cause de la crise economique et de la proposition d'allonger le mandat du President et Parlement par une réforme constitutionnelle.

L’administration moscovite refuse aussi d’approuver le parcours de la marche : la place du Triomphe, la rue Tverskaya, la place de la Revolution -les endroits les plus symobliques et les plus populaires de la capitale. Edouarde Glesine, un des sept coordinateurs moscovites du mouvement « Oborona » (en accord avec leurs règles internes, ils n‘ont pas de leader désigné) explique :
« Le seul quai Tarasa Schevtchenko ne nous suffit pas. Le Parti communiste a fêté le 7 novembre rue Tverskaya et place Teatralinaya. Les « Nachi » ont protesté le 2 novembre devant l’ambassade américaine. Il est évidant que les autorites cherchent à nous mettre des bâtons dans les roues par tous les moyens »
Depuis le 16 décemdre 2006, quand a eu lieu la première « Marche des desaccords » à Moscou, près de vingt actions se sont déroulées dans les grandes villes russes.

Parmi les slogans : « Nous avons besoin de L’autre Russie », « La Russie sans Poutine », « Non à l’Etat policier », « A bas le pouvoir des policiers ». La plupart de ces actions était interdites par les autorités, et s'accompagnait de nombreuses arrestations, réalisées par les Omon (des brigades de police spéciales). Souvent, les activistes ne parvenaient même pas à attenidre la place de la marche, interpellés par la police sur le chemin.

Sur ses sites ’Internet, l’opposition récolte des fonds en communiquant des numéros de compte bancaire à créditer, propose d'imprimer des tracts et des affiches, et publient des conseils sur la conduite à tenir avec les Omon et les bons réflexes à avoir en cas d’arrestation : "Si un policier vous arrête, vous avez le droit d'exiger son attestation de service et des explications sur les motifs d'arrestation."

La « Marche des desaccords » a été créé en 2006 et réunit plusieurs organisations et mouvements politiques dirigés par les liberaux russes, dont :
Kasparov et Limonov se sont dit prêts à rencontrer le maire, Loujkov, pour discuter. Mais si leurs démarches échouent, ils promettent de se passer de l'accord du gouvernement pour défiler.

Photos: La marche des desaccords - Arrestation d'un activites - Des participants à la marche (à gauche, Garri Kasparov) (nazbol.ru)
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