mercredi 10 décembre 2008

Exit « Southpark » : la télévision russe pleure le patriarche Alexis II



Mardi, 9 décembre, les cloches de la cathédrale du Christ Sauveur de Moscou ont pu être entendues dans toute la Russie. Les obsèques du patriarche de Moscou et toutes les Russies Alexis II ont duré plus de huit heures.

tilidom.com

Les principales chaînes russes ont suivi les instructions du président russe Dmitri Medvedev, qui a demandé la suppression de tous les programmes de divertissement pour donner la possibilité à tout le monde de regarder la cérémonie.

Le matin, les prières de plus de 200 religieux orthodoxes, catholiques, juifs et musulmans ont été retransmises en direct. Tous les Russes ont donc pu voir les dirigeants du pays et des voisins d’Europe de l’Est, les représentants de l’Etat et les milliers de personnes qui ont assisté à la messe, présidée par métropolite Kyrille, le successeur par intérim d’Alexis II.

Les visages attristés des officiels étaient visibles dans les journaux télévisés de toutes les chaînes de télévision, qui ne voulaient pas rater un événement majeur pour les fidèles orthodoxes. Le signal a été produit par le groupe media VGTRK (la radio et la télévision publiques).

Soucis techniques pour la grande chaîne publique

Mais la grande chaîne financée par l’Etat a connu quelques problèmes techniques - à certains moments, les images étaient diffusées sans son. Ce qui peut expliquer que la dernière partie des cérémonies n’ait finalement pas été retransmise (l’inhumation dans la petite Eglise de l’Epiphanie, où le patriarche voulait être enterré).

Selon le journal Kommersant, l’Eglise russe orthodoxe avait pourtant insisté pour que toutes les étapes des funérailles soient montrées. Aucune explication officielle n'a été donnée, mais selon plusieurs sites Internet, ils ont eu peur de nouvelles difficultés techniques, l’église de l’Epiphanie étant petite et pas adaptée à la retransmission d’événements en direct à la télé.

Les télévisions russes ont aussi voulu montrer leur chagrin. Les chaînes fédérales bien sûr, qui ont changé tous leurs programmes. Les éditions spéciales ont commencé tôt le matin sur Pervy Kanal (la première chaîne) et sur la chaîne Rossia (« Russie »). Les écrans publicitaires ont été supprimés.

NTV, troisième chaîne fédérale, a elle préféré garder quelques séries télévisées en « prime time ». Et les chaînes commerciales n'ont pas déprogrammé les spots de pub.

Dilemme pour les chaînes de télévision commerciales

Le chef du service de presse Ren TV, une chaîne de qualité avec des programmes variés, explique pourquoi ils ont choisi de bouleverser l'antenne :
« Ce n’était pas obligatoire, ce n’était pas une journée de deuil national. Mais nous avons déprogrammé les émissions de divertissement et les séries télévises, par exemple. Nous avons préféré diffuser des documentaires et des films classiques.

Et bien sûr, nous en avons beaucoup parlé dans nos journaux. C’étaient notre contribution à ce jour triste. »
Les autres chaînes, dont les programmes sont centrées sur le divertissement, ont eu plus de difficultés. C'est ce qu'explique le porte-parole de 2x2, connue pour avoir failli être fermée suite aux accusations de racisme d’un groupe extrémiste russe concernant le dessin animé South Park, qu'elle diffusait :
« Nous ne sommes pas d’accord avec ces types, qui nous appellent le canal extrémiste. Ils ne représentent pas l’Eglise orthodoxe. C’est pourquoi nous avons bien volontiers modifié nos programmes. »
Muz-TV choisit de diffuser la mire

Ainsi, les séries South Park, Futurama et Adult Swim ont été déplacées :
« Les autres, nous ne pouvions pas les déplacer – sinon, la chaîne aurait été fermée pour toute la journée. Ce n’est pas possible. Mais je crois que en déplaçant les programmes qui nous rapportent le plus de publicité, nous avons montré que nous aussi, nous avons du chagrin. »

D'autres chaînes ont fait des choix plus radicaux, préférant diffuser une mire (Muz-TV, la chaîne musicale russe) ou simplement déplacer les annonces.

Au final, aucune chaîne de télé n’a échappé aux démonstrations de deuil. Sur la Toile, en revanche, la vie a suivi son cours. Le net russe, toujours vivant, était prêt à offrir aux gens tout ce qu’ils souhaitaient – la peine pour les orthodoxes, ou le divertissement pour tous ceux qui sont fatigués de pleurer et qui ne veulent pas rester toute la journée sans s'informer.

Tania Kopalkina

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